27 mars 2012

L'aTEXte


 "N'oublions pas que notre devoir,c'est d'être libres."

J.Lacan, Pour une logique en caoutchouc.
J. Verne, Deux ans de vacances.

23 mars 2012

Les tHétées


SUCK (SIC)
                                      (M. Meriën)



                                                                      [SIK] SUCK
                                  
 

20 mars 2012

L'enthêté

 Alors parfois, au bout de ces heures d’inertie morose, il arrivait à Bartlebooth d’entrer tout à  coup dans d’épouvantables colères, aussi terribles et aussi inexplicables que pouvaient l’être celles de Gaspard Winckler quand il faisait sa partie de jacquet avec Morellet chez Riri. Cet homme qui, pour tous les gens de l’immeuble, était le symbole même du flegme britannique, de la discrétion, de la courtoisie, de la politesse, de l’exquise urbanité, cet homme que l’on n’avait jamais entendu prononcer un mot plus haut que l’autre, entrait dans ces moments-là dans des déchainements d’une violence telle qu’il semblait l’avoir concentrée en lui pendant des années. Un soir il fendit en deux d’un seul coup de poing un guéridon à dessus de marbre. Une autre fois, Smautf ayant commis l’imprudence d’entrer, comme il le faisait chaque matin, avec trois toasts, un thé au lait, quelques lettres et trois quotidiens : Le Monde, le Times et le Herald – Bartlebooth envoya valser le plateau avec une telle force que la théière, propulsée quasi verticalement à la vitesse d’une balle de volée, fracassa le verre épais du scialytique avant de se briser elle-même en mille morceaux qui retombèrent sur le puzzle (Okinawa, Japon, octobre 1951). Bartlebooth mit huit jours à récupérer ses sept cent cinquante pièces, que le vernis protecteur de Gaspard Winckler avait sauvées du thé bouillant, et sans doute cette colère ne fut-elle pas inutile, car un réordonnant ces pièces, il découvrit enfin comment il fallait les placer.

(Georges Pérec, La vie mode d'emploi)
  

12 mars 2012

10 mars 2012

Poule ou coq ?


La plupart des prétendues traductions de ce que nous avons ressenti ne font ainsi que nous en débarrasser en le faisant sortir de nous sous une forme indistincte qui ne nous apprend pas à le connaître. Quand j’essaie de faire le compte de ce que je dois au côté de Méséglise, des humbles découvertes dont il fut le cadre fortuit ou le nécessaire inspirateur, je me rappelle que c’est, cet automne-là, dans une de ces promenades, près du talus broussailleux qui protège Montjouvain, que je fus frappé pour la première fois de ce désaccord entre nos impressions et leur expression habituelle. Après une heure de pluie et de vent contre lesquels j’avais lutté avec allégresse, comme j’arrivais au bord de la mare de Montjouvain, devant une petite cahute recouverte en tuiles où le jardinier de M. Vinteuil serrait ses instruments de jardinage, le soleil venait de reparaître, et ses dorures lavées par l’averse reluisaient à neuf dans le ciel, sur les arbres, sur le mur de la cahute, sur son toit de tuile encore mouillé, à la crête duquel se promenait une poule. Le vent qui soufflait tirait horizontalement les herbes folles qui avaient poussé dans la paroi du mur, et les plumes de duvet de la poule, qui, les unes et les autres se laissaient filer au gré de son souffle jusqu’à l’extrémité de leur longueur, avec l’abandon de choses inertes et légères. Le toit de tuile faisait dans la mare, que le soleil rendait de nouveau réfléchissante, une marbrure rose, à laquelle je n’avais encore jamais fait attention. Et voyant sur l’eau et à la face du mur un pâle sourire répondre au sourire du ciel, je m’écriai dans mon enthousiasme en brandissant mon parapluie refermé : « Zut, zut, zut, zut. » Mais en même temps je sentis que mon devoir eût été de ne pas m’en tenir à ces mots opaques et de tâcher de voir plus clair dans mon ravissement.

3 mars 2012