Le seul triomphe du Seigneur, la Croix du Christ, a
fait triompher déjà presque tous les hommes. Il importe donc de considérer en
quel état Il monte . Je le vois dépouillé : c'est donc ainsi qu'il faut monter
quand on s'apprête à vaincre le siècle, sans rechercher les secours du siècle.
Adam fut vaincu, lui qui a cherché un vêtement (Gen., III, 7) ; le
vainqueur est Celui qui a quitté ses vêtements. Puis Il est monté tel que la
nature nous avait formés sous l'action de Dieu : c'est ainsi que le premier homme
avait habité dans le paradis, ainsi que le second homme est entré dans le
paradis. Et afin d'être vainqueur non pour Lui seul, mais pour tous, Il a
étendu les mains pour attirer tout à Lui (Jn, XII, 32), afin de dégager des
liens de la mort, d'attacher au joug de la foi, d'unir au ciel ce qui était
auparavant de la terre. On écrit aussi une inscription. D'ordinaire un cortège
précède les vainqueurs ; mais le char triomphal du Seigneur fut précédé par le
beau cortège des morts ressuscites. A l'ordinaire aussi un écriteau indique le
nombre des nations subjuguées. A de tels triomphes de montrer, disposés dans un
certain ordre, les captifs pitoyables des nations vaincues, honteux quand elles
sont détruites : ici s'épanouit la beauté des peuples rachetés. L'attelage est
digne d'un tel triomphe : le ciel, la terre, la mer, les enfers passent de la
corruption à la grâce. Or l'inscription est tracée, et placée au-dessus de la
Croix ; non pas au-dessous de la Croix, car « la principauté est sur ses
épaules » (Is., IX, 6). Qu'est cette principauté, sinon son éternelle puissance
et divinité ? Aussi, quand on l'interroge : « Qui êtes-vous ? » Il répond : «
Le principe, qui vous parle » (Jn, VIII, 25). Lisons cette inscription : « Jésus
de Nazareth, est-il dit, roi des Juifs.» Il est juste que l'inscription
soit au-dessus de la Croix, parce que la royauté que possède le Christ ne tient
pas à son corps humain, mais à sa puissance divine. Il est juste que
l'inscription soit au-dessus de la Croix, parce que si le Seigneur Jésus était
en Croix, Il resplendissait au-dessus de la Croix par sa majesté royale. Il
était ver sur la Croix (Ps. 21, 7), scarabée sur la Croix : en bon ver il
tenait à la Croix, en bon scarabée Il criait sur le bois (Hab., II, 11)72.
Qu'a-t-Il crié ? « Seigneur, ne leur comptez pas ce péché » ; Il a crié au larron
: « Aujourd'hui tu seras avec moi en paradis » ; Il a crié comme le scarabée : «Dieu,
mon Dieu, regardez-moi ; pourquoi m'avez-vous délaissé ? » En vrai scarabée, Il
remuait par les traces de ses vertus la boue de notre corps, jusque-là informe
et pesante. En bon scarabée, Il relève le pauvre du fumier (Ps. 112, 7) : Il a
relevé Paul, qui se considérait comme ordures (Phil., III, 8) ; Il a relevé
Job, qui était assis sur le fumier (Job, II, 8). L'inscription n'est donc
pas quelconque. Quant à la place de la Croix, elle est au milieu, pour être vue
de tous, ou, comme le prétendent les Hébreux, sur la tombe d'Adam : car il
convenait d'attribuer aux prémices de notre vie la place qu'avait occupée le début
de la mort.
(Traité sur
l'Évangile de Saint Luc,
par
Saint Ambroise de
Milan
, Tome 2.)
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